
Je suis assis à ma table, les mains encore pleines de fibres et de poussière de sarrasin. Depuis trente ans, je fais et défais des zafus, et chaque outil a sa place, comme les gestes. Si vous voulez créer un zafu maison, je vous raconte ici les outils qui, selon moi, valent l’attention — du choix du tissu au dernier coup de tamis sur le rembourrage — pour un coussin solide, confortable et durable.
Le matériel indispensable : tissus et garnissage
Je me souviens d’un matin d’hiver où, en ouvrant une caisse de tissu, j’ai senti l’odeur sèche du chanvre qui m’a tout de suite rappelé pourquoi je fais des zafus. Tout commence par le tissu : un bon tissu fait la moitié du zafu. Pour l’extérieur, je choisis souvent une toile de coton épaisse, du chanvre ou du velours robuste. Ces matières supportent les frottements et vieillissent bien. Je privilégie des tissus certifiés (OEKO‑TEX, labels bio) quand je peux, car ils respectent la peau et l’environnement.
Quant au garnissage, il y a deux grandes familles que j’emploie : l’écorce de graine d’épeautre biologique et le kapok. L’écorce de graine d’épeautre offre un soutien ferme et modulable : on peut facilement ajuster la densité. Pour un zafu classique (diamètre 35 cm, hauteur 15 cm), je préconise généralement 2 à 3,5 kg d’écorce de graine d’épeautre selon la fermeté désirée. Le kapok est léger, moelleux et végétal ; on compense la légèreté par le volume : environ 1 à 1,5 kg pour un coussin de même taille. Beaucoup choisissent un mélange : le kapok pour le confort, l’écorce de graine d’épeautre pour la tenue.
Un petit chiffre utile : les zafus que je fabrique le plus souvent mesurent 35 cm de diamètre et 15 cm de hauteur — des mensurations testées par des praticiens et qui conviennent à la plupart des postures. Mais l’essentiel, c’est d’essayer : la matière change la relation au sol et à la colonne. Je ne vends pas des zafus. Je les fabrique pour que, lorsque vous vous asseyez, la matière vous invite au silence.
Outils de mesure et de coupe
Le geste exact commence par une mesure juste. J’ai appris à mes dépens qu’un patron mal découpé se corrige difficilement. Mes indispensables : un mètre ruban souple, une grande règle métallique (1 m), une équerre et un compas ou un gabarit pour tracer des cercles réguliers. Pour la coupe, j’utilise deux outils complémentaires : des ciseaux de tailleur bien affûtés pour le tissu et un cutter rotatif avec un tapis de découpe pour des lignes droites nettes (très pratique pour le bandeau latéral).
Formule pratique : pour obtenir la longueur du bandeau latéral, calculez la circonférence = π × diamètre. Exemple : pour un zafu de 35 cm de diamètre, la longueur du bandeau ≈ 3,14 × 35 ≈ 110 cm. Ajoutez les marges de couture (en général 1 à 1,5 cm de chaque côté) et la hauteur souhaitée (par ex. 15 cm + marges). Pour les cercles du dessus et du dessous, tracez sur le tissu à l’aide d’un compas ou d’un gabarit en carton.
J’ai souvent vu des débutants oublier la marge de couture : la bonne pratique, c’est de la prévoir d’entrée, plutôt que d’ajuster au final. Un autre conseil pratique : pré-laver les tissus naturels (coton, chanvre) pour éviter le rétrécissement. Ça évite les mauvaises surprises quand le zafu passe son premier hiver de méditation.
Outils de couture : main et machine
Je couds à la machine et à la main. Pour la machine, un modèle robuste capable d’accepter des aiguilles 90/14 à 100/16 est un réel confort : certains tissus épais et plusieurs couches exigent une machine sans complexe. J’utilise souvent une aiguille jeans ou aiguille pour tissus lourds, ainsi qu’un pied presseur double entraînement (walking foot) quand le tissu a tendance à glisser. Un bon fil polyester ou coton ciré de qualité (résistant à l’abrasion) est essentiel : le fil, c’est la suture du zafu.
À la main, gardez : aiguilles d’ameublement, dé à coudre, ciseaux de broderie pour les finitions et un découd-vite (indispensable en cas d’erreur). Pour fixer les poignées ou renforcer les zones de tension, je fais souvent une couture en barrette ou un renfort en croix : ces points demandent une aiguille solide et du fil très résistant. J’ajoute parfois une pose de fermeture éclair pour une housse amovible : une fermeture solide (taille 50 cm) facilite le lavage.
L’outil souvent négligé mais crucial : le fer à repasser. Un pli bien marqué fait gagner du temps et garantit des coutures droites. J’insiste sur la qualité de l’assemblage : des coutures doubles aux points d’usure prolongent la vie du zafu. Après trente ans, j’ai appris que coudre lentement, avec attention, évite de refaire.
Remplissage et finition : outils pour le garnissage
Je retiens une règle simple : le remplissage se vit, il ne se mesure pas seulement. Pour remplir proprement, j’utilise un entonnoir large (fait maison parfois avec un carton solide), une cuillère à long manche ou une baguette en bois pour tasser. Un tamis fin est utile si le sarrasin a des poussières : on le tamise avant remplissage. Pour doser précisément, une balance (±10 g) m’aide à obtenir une densité homogène entre plusieurs coussins d’une même commande.
La santé est importante : la poussière de sarrasin peut chatouiller les poumons. J’utilise un masque anti‑poussière et une petite aspirateur à portée de main. Si vous remplissez à plusieurs, prévoyez des bacs ou des sacs refermables pour stocker le garnissage et éviter l’humidité. Pour une housse intérieure (l’insert), une fermeture éclair solide permet d’ajuster la fermeté : on ajoute ou on enlève des coques selon la posture. Beaucoup de méditants apprécient pouvoir régler la fermeté après quelques séances.
Un exemple concret : une cliente m’avait demandé un zafu trop ferme pour débuter. Nous avons vidé 400 g de sarrasin et ajouté 200 g de kapok — résultat : plus d’assise sans perdre de stabilité. La capacité d’ajustement est un luxe pour la pratique.
Aménager son atelier et bonnes pratiques
L’atelier n’est pas un luxe ; c’est une condition. J’ai appris à tenir un espace simple et ordonné : une table de coupe (environ 1,5 m × 0,8 m), un tapis de découpe, un bon éclairage (lumière du jour ou LED froide) et des boîtes étiquetées pour tissus et garnissages. Prévoir un espace de 1,5 à 2 m² pour travailler à l’aise permet d’éviter les gestes précipités.
La sécurité : rangez les ciseaux et cutters, entretenez les aiguilles, changez les lames au besoin. La durabilité : privilégiez des fournisseurs locaux pour le tissu et le sarrasin, réduisez les emballages. En 2025, la demande pour des produits artisanaux et naturels continue d’augmenter ; ça implique d’anticiper les stocks et de choisir des matériaux traçables.
Quelques pratiques que je conseille : tester systématiquement un prototype, noter les quantités utilisées (ça vous évitera des erreurs répétées), et garder un carnet où vous consignez les tailles, les matériaux et les retours des personnes qui s’assoient. Je termine toujours un zafu par un geste simple : je pose la main dessus, j’accueille la vibration. Ce n’est pas une usine. C’est un atelier. Un lieu vivant où chaque outil sert la présence.
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